Dans un arrêt de principe du 11 février 1994 « Compagnie d’assurance Préservatrice Foncière », le Conseil d’État a considéré que les immeubles des personnes publiques soumis au statut de la copropriété faisaient nécessairement partie de leur domaine privé dès lors que la loi du 10 juillet 1965 comporte des dispositions d’ordre public incompatibles avec les règles de la domanialité publique, comme l’hypothèque légale dont le syndicat de copropriétaires dispose afin de garantir ses créances à l’encontre des lots de chaque copropriétaire ou le privilège immobilier spécial prévu à l’article 2374 du code civil.
Le Conseil d’Etat n’avait toutefois pas eu l’occasion, jusqu’au mois de janvier 2020, de se prononcer sur la compatibilité de la domanialité publique avec le régime des associations syndicales de propriétaires.
Avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires, aucune disposition légale ne faisait obstacle à ce que des personnes publiques soient membres d’une association syndicale de propriétaires à raison de biens constituant des dépendances de leur domaine public.
En revanche, la question d’une éventuelle incompatibilité pour une personne publique d’être membre d’une association syndicale de propriétaires, s’est posée depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 1er juillet 2004 dont l’article 6 pose le principe selon lequel : « Les créances de toute nature d’une association syndicale de propriétaires à l’encontre d’un de ses membres sont garanties par une hypothèque légale sur les immeubles de ce membre compris dans le périmètre de l’association »
Deux décisions récentes dans la jurisprudence administrative ont apporté des clarifications sur cette question :
Par une décision du 23 janvier 2020 « Société JV Immobilier » le Conseil d’État a transposé la jurisprudence « Compagnie d’assurance Préservatrice Foncière » en énonçant un principe d’incompatibilité de la domanialité publique avec le régime des AFUL au motif que l’article L322-9 du code de l’urbanisme prévoit un mécanisme de garantie des créances d’une association foncière urbaine à l’encontre d’un associé par une hypothèque légale sur les immeubles de ce dernier compris dans le périmètre de l’association.
Une telle hypothèque permet à l’association foncière, en ce qu’elle constitue une sûreté réelle immobilière, de faire vendre l’immeuble d’un associé. Or, il est constant qu’une sûreté hypothécaire de ce type contrevient nécessairement au principe d’inaliénabilité du domaine public.
Par ailleurs, dans rendu un arrêt le 10 mars 2020 (Association syndicale des propriétaires de la cité de Boigues), le Conseil d’Etat a confirmé le principe posé par l’arrêt du 23 janvier 2020 en considérant que « le régime des associations syndicales est, depuis leur entrée en vigueur, incompatible avec celui de la domanialité publique, notamment avec le principe d’inaliénabilité ».
L’incompatibilité du domaine public avec le cadre juridique des AFUL et des ASL est désormais clairement énoncée par le Conseil d’Etat.
Les conséquences de cette incompatibilité devront être particulièrement examinées par les praticiens en amont des projets immobiliers intéressant des acteurs publics et privés.
Les arrêts du 23 janvier 2020 et du 10 mars 2020 peuvent, par ailleurs, être interprétés comme autorisant le principe de constitution d’une hypothèque légale sur un bien du domaine privé d’une personne publique. Une telle sureté hypothécaire ne pourrait toutefois faire l’objet d’une procédure civile d’exécution devant le juge judiciaire.